La persistance de la mémoire ou les montres molles, Salvador Dalí
- siroko
- 16 août 2015
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Tableau : ce tableau acheté par le galeriste new-yorkais Julien Levy à la recherche d’artistes pour la nouvelle galerie d’art contemporain, se trouve au Museum of Modern Art, New York depuis 1934.
Date de réalisation : 1931, pendant la IIème République, en Espagne. Les années de la République (1931-1936) peuvent être définies comme des années de grande effervescence, de bouleversements et d’enthousiasme ; à cette époque, Barcelone devient la capitale des manifestations artistiques d’avant-garde.
Technique utilisée : huile sur toile, toile de petit format (24.1 x 33cm) déjà préparée industriellement, utilise principalement ce format durant cette époque.
L’œuvre : « la persistance de la mémoire » est devenue l’une des œuvres les plus représentatives et les plus mystérieuses de Salvador Dalí, peinte à l’âge de 27 ans seulement. Le titre énigmatique de ce petit tableau nous plonge instantanément dans l’univers surréaliste d’un des plus grands génies de la peinture du XXème siècle.
Au sujet de l’œuvre : nous pouvons dire presque en toute certitude que le paysage qui apparaît est celui de Portlligat et par extension celui du cap de Creus. La grande relation et l’attachement de Dalí à cet environnement est une constante dans son œuvre et présente tout au long de sa trajectoire artistique. L’artiste sent une admiration et un respect inconditionnels pour Portlligat qu’il exprime aussi bien picturalement qu’à travers ses propres mots : « Je me suis construit sur ces grèves, j’y ai créé mon personnage, découvert mon amour, peint mon œuvre, édifié ma maison. Je suis inséparable de ce ciel, de cette mer, de ces rochers : lié à jamais à ce Portlligat-qui veut dire port lié- /…/ je ne suis chez moi qu’en ce lieu ; ailleurs je campe. » (Dalí ; Parinaud, A. (1973) comment on devient Dalí. Paris, opera mundi, P159).
L’œuvre se caractérise par un paysage à l’horizon en hauteur, couronné par la mer, avec un ciel crépusculaire et des falaises escarpées sur le côté droit.
Dalí offre une vision simple et austère de la nature, un paysage plutôt statique qui transmet une certaine idée de stérilité et de congélation de l’instant. La mort règne et la mémoire est présente ; en effet, le paysage se voit interrompu par trois montres molles et une quatrième rigide.
L’une des montres molles pend d’une branche d’olivier, une autre, tout aussi déformée, repose sur une forme amorphe, apparemment endormie et qui occupe le centre de l’œuvre (autoportrait de l’artiste ?) ; la dernière montre molle sur un meuble, situé sur le côté gauche, dessus, il y a une mouche posée : le temps qui s’envole ?
Chacune de ces trois montres marque une heure différente. Il semble être entre 18 et 19h ; heure crépusculaire et insinue la relativité du concept de temps. Le temps n’est pas le même pour tous et n’a pas les mêmes répercutions pour tous. Chaque être, chaque chose a un temps qui lui est propre. En contraste, il existe une quatrième montre rigide qui, au lieu d’indiquer l’heure, est couverte de fourmis et placée sur l’envers. Dalí évoque ici une des préoccupations de l’homme : l’obsession de contrôler le temps par les heures. Dalí déforme les instruments de la vie quotidienne qui doivent nous informer sur le temps et il en annule la fonction. Toutes les montres marquent une heure différente et la seule qui maintient sa rigidité initiale est peinte retournée sur l’envers et infestée de fourmis, symbole pour Dalí de décadence, de l’éphémère et de la pourriture. (Phobie des fourmis chez l’artiste). L’inutilité du temps devient évidente à partir du moment où son symbole (la montre) a été détruit. Il est plus intéressant de conserver la mémoire et de demeurer dans le passé que d’avancer vers un présent et un futur. Dalí revendique l’absence de temps et indique l’obsession de Dalí pour l’immortalité rendue possible en échappant au contrôle temps. Il juxtapose avec élégance l’infini d’une scène comme le paysage avec des objets qui rappellent la fugacité des instants et des choses, tout est éphémère. C’est cette volonté de demeurer dans l’hier et de se souvenir d’un passé sans contrôle du temps qui finit par donner son titre au tableau : « la persistance de la mémoire » mais plus connu sous le titre des « montres molles ».L’idée lui est venue après un dîner, Dalí avait une migraine, il décide de rester chez lui, à la vue d’un camembert coulant posé sur la table, celui-ci se met à peindre des montres molles qu’il place sur un paysage déjà peint.
Dalí oppose deux matières : le mou et le dur pour faire passer ses idées, le temps qui s’écoule et la mémoire qui dure. Il faut remarquer que c’est l’une des premières fois que Dalí écrit le mot « olive » au lieu de Gala avant son nom à lui ( « olive » est un surnom affectueux qu’il utilise pour nommer sa muse Gala en référence évidente à son teint olivâtre).
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